Agriculture ? Non, "agricultures" ! – Par Nicolas Aymard maraîcher bio

Vous avez certainement entendu parler de l’agriculture biologique ? Vous avez sans doute entendu parler de l’agroécologie ! Et les mentions Demeter, Nature et Progrès, Bio Cohérence ? Et la biodynamie ?

Vous avez peut-être aussi entendu parler de l’agriculture écologiquement intensive ! Avez-vous entendu parler de l’agriculture raisonnée ? Et de l’agriculture saine et naturelle ?

Et nous, à la Super Halle, on vous parle en plus d’agriculture paysanne !

Se démarquer de l’agriculture conventionnelle

Toutes ces formes d’agricultures veulent se démarquer d’un type de production agricole : l’agriculture  dite « conventionnelle » et intensive.

Intensive, elle l’est surtout en intrants chimiques, capitaux et subventions.

Et pourquoi l’appelle-t-on « conventionnelle » ? Je ne sais pas ! Alors pour être le plus précis possible, j’ouvre mon dictionnaire de la langue française Le Petit Robert et là, promis je n’invente pas, je lis pour le mot « conventionnel, elle » : conforme aux conventions sociales ; peu naturel, peu sincère.

C’est peu de le dire.

Pas une, mais « des » agricultures

Et c’est probablement pour ne pas se laisser enfermer dans ces conventions que des paysans ont soutenus, dès les années 50, le développement de l’agriculture biologique :  système global de production agricole (végétaux et animaux) qui privilégie les pratiques de prévention et de gestion dans le respect des équilibres naturels plutôt que le recours à des interventions et facteurs de production d’origine extérieure issus de la chimie de synthèse.

En avant pour un petit tour d’horizon :

 –        Demeter : il s’agit d’une mention privée de certification d’agriculture biodynamiqe. Développée dès les années 1920, l’agriculture biodynamique a pour objectif de renforcer la qualité et la fertilité des sols et de rendre les fermes plus autonomes.

            Pas de chimie de synthèse, pas d’OGM.

Lire notre article sur le label Demeter (juin 2015)

–        Nature et Progrès : cette mention associative privée est gérée par l’association du même nom. Comme un label, elle est conditionnée au respect d’un certain nombre d’exigences détaillées dans ses cahiers des charges et sa charte.

         L’attribution de la mention s’effectue dans le cadre des Systèmes Participatifs de Garantie        (SPG) qui rassemblent les adhérents consommateurs et professionnels.

            Pas de chimie de synthèse, pas d’OGM.

Lire notre article sur la mention Nature & Progrès (mai 2015)

–        AB  : c’est la propriété du ministère de l’agriculture. Il en définit les règles d’usage. Depuis 2009, ces critères sont alignés sur le label bio européen, moins contraignant que le label AB initial et autorisant notamment la présence de traces accidentelles d’OGM.

            A part ça, pas de chimie de synthèse, pas d’OGM bien sûr.

–        Bio Cohérence : marque privée gérée par l’association Bio Cohérence créée en réaction à l’abaissement des exigences du cahier des charges bio européen en 2009 sur lequel la marque AB s’est alignée.

            Ici aussi pas de chimie de synthèse, pas d’OGM.

–        l’agroécologie : sur le site www.colibris-lemouvement.org, nous pouvons apprendre de Cyril Dion (vous savez, le film « Demain ») qu’en tant que pratique agricole, l’agroécologie va plus loin que l’agriculture bio. En plus de techniques comme le compostage, la recherche de complémentarité entre les espèces, la culture sur buttes…, elle va chercher à intégrer dans sa pratique l’ensemble des paramètres de gestion écologique de l’espace cultivé, comme l’économie et la meilleure utilisation de l’eau, la lutte contre l’érosion, les haies, le reboisement…

            Alors là aussi, pas de chimie de synthèse, ni d’OGM ? Attention, pas si vite… ça dépend qui parle ! Pierre Rabbhi, Cyril Dion, d’accord, pas de souci, on peut avoir confiance.

            Mais il faut être plus méfiant quand c’est un ministre de l’agriculture qui emploie ce mot. Car l’agroécologie n’est pas un concept soumis à contrôle et il peut être utilisé pour verdir une agriculture qui voudrait rester conventionnelle et industrielle comme par exemple le concept suivant.

 –  l’agriculture écologiquement intensive : je vous propose deux extraits du Manifeste de l’AEI, que vous pouvez lire entièrement sur leur site internet (cf sources) et on en reparle plus bas.

« …La tendance qui propose d’inventer des semences de plantes qui intègrent, par la voie de transgenèse, les caractéristiques nécessaires d’optimisation des ressources en fertilité, de résistance aux maladies et ravageurs, de résistance à la sécheresse ou aux autres agressions climatiques, de production de protéines, d’antioxydants ou et de vitamines, etc. est actuellement très forte et est portée par quelques firmes, selon un modèle d’organisation libéral nord américain. C’est une voie encore futuriste et qui rencontre de nombreuses difficultés… »

« …Par ailleurs, des solutions plus futuristes peuvent aussi être envisagées : invention de nouvelles molécules pesticides imitant des molécules existant dans la nature… »

Qu’en dites-vous ? Personnellement, je suis sceptique. Cela me fait penser à l’agriculture raisonnée… alors parlons-en !

Chimie de synthèse et OGM : c’est l’avenir !

l’agriculture raisonnée : elle est portée par le FARRE. Cet acronyme signifie Forum des Agriculteurs Responsables Respectueux de l’Environnement. Ça en jette ! Avec un nom comme celui-là, ce doit être un repère de dangereux paysans bio révolutionnaires !

Bon, en fait, quand on regarde la liste des membres actifs du FARRE, qui trouve-t-on… allez, devinez !

Eh bien si, BASF AGRO, BAYER, DOWN AGRO, SYNGENTA… et même, je vous le donne en mille… MONSANTO ! On peut dormir tranquille, les agriculteurs respectueux de l’environnement sont bien soutenus.

Chimie de synthèse et OGM : le plus longtemps possible, nos profits en dépendent !

Nos paysans ont besoin de vous !

Pour faire évoluer leurs pratiques, les agriculteurs ont aussi besoin des citoyens. Pour mieux comprendre les attentes de la société. Pour sentir que les mentalités évoluent vers la réappropriation de son alimentation et de son environnement.

L’agriculture paysanne se situe, de mon point de vue, dans ce mouvement. C’est à dire une agriculture qui se met en lien avec les citoyens et qui s’inscrit dans une démarche de progrès de nos pratiques. Que nous soyons labellisés AB ou pas, nous avons toujours à progresser tant du point de vue environnement (moins de plastiques, moins de pétrole, plus de biodiversité autour des champs, moins d’érosion des sols…), que social (amélioration des contrats et conditions de travail des saisonniers, amélioration des statuts agricoles, actions collectives type entraide…) qu’économique (juste rémunération, tendre vers plus d’autonomie, fortifier la résilience de la ferme…).

Au plaisir de vous rencontrer lors de mes permanences à la Super Halle,

Nicolas Aymard, producteur bio à Chaussan (69), 35 km de Lyon

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Accès à notre rubrique “Les mots des producteurs”

Sources :

–        FNAB : Fédération Nationale de l’AB : www.fnab.org

–        Nature et Progrès : www.natureetprogres.org/

–        Demeter : www.demeter.fr

–        BIO COHERENCE : www.biocoherence.fr/

–        Agriculture écologiquement intensive : www.aei-asso.org

–        FARRE : www.farre.org/